Gilbert Bécaud
UN SACRÉ BATEAU À ROUES



Regardez, regardez comme il est beau!
Ça, c'est un sacré bateau!
C'est le plus beau bateau que j'aie jamais vu,
Même que j'en ai jamais vu.

Grand et fier et blanc comme un loup,
C'est le plus beau de nos bateaux à roues.
Dès que la sirène a fait tou tou tou,
Toute la ville est devenue fou.
On se précipite sur le ponton
En guêpière et en caleçon.

Voilà la passerelle qui touche au quai.
Les voyageurs vont débarquer.
Les demoiselles passent en premier.
Déjà on se fout sur la gueule pour porter leurs paniers.

Regardez, regardez comme il est beau!
Ça, c'est un sacré bateau!
Ah, bon Dieu! ce soir ça ira bon train,
Les pucelles et les putains.

Bienvenus avec vos dollars,
Y a du jeu, de l'amour, du hasard.
Le barman, une main sur la pompe à bière
Et un oeil sur la caissière,
Et les messieurs-dames qui font la queue
Pour prendre un petit pain à deux.

Pendant ce temps-là, chez le gouverneur,
Les officiers rendent les honneurs
Et le capitaine sous le billard
Explique à une lady toutes les règles de l'art.

Et voilà le shérif et le vieux pasteur
Enlacés comme frère et soeur.
On saura jamais lequel des deux
Est à voile ou à vapeur.

Garde à vous, pied à terre et rompez les rangs.
Au saloon, escadron en avant!
Elle s'est fait de l'or, la petite Daisy,
Une ancienne de Paris
Qui a fait le bonheur de tout le far-West,
De Santa Fé à Budapest.

Comme toute la ville est décharnée,
Y a plus de vertu sous les corsets
Et les amoureux sous le moonlight
Se font des "i", des "a", des "o", des "kiss me goodnight".

N'oubliez jamais comme il était beau!
C'était un sacré bateau,
Un bateau comme ça, t'en avais jamais vu,
Et t'en reverras jamais plus.


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