Marie-Paule Belle
LILAS BLANC

Théodore Botrel


Elle naquit par un dimanche
Du plus joli des mois de mai
Quand le printemps à chaque branche
Suspend un bouquet parfumé.

En la voyant toute petite
Si frêle en son berceau tremblant
Sa mère l'appela bien vite
Lilas Blanc, mon petit brin de lilas blanc.

Elle poussa douce fleurette
Dans le fond d'un pauvre faubourg
Et dans une triste chambrette
Sans soleil et presque sans jour.

En la voyant toujours pâlotte
Avec son sourire dolent
Chacun surnommait la petiote
Lilas blanc, petit bouquet de lilas blanc.

Et quand elle eu ses douze années
Lumineuse ainsi qu'un rayon
Elle fit comme ses ainées
Sa première communion.

Quand vers l'hôtel d'un air modeste
Elle s'avança d'un pas lent
On aurait cru voir un céleste
Lilas blanc, un vrai bouquet de lilas blanc.

Et puis ce fut l'apprentissage
Au cours duquel un beau garçon
Remarqué souvent au passage
Lui fit la cours une saison.

Puis un beau soir lui dit "je t'aime"
Ajoutant plus d'un mot troublant
L'appelant ma mignonne et même
Lilas blanc, mon brin joli de lilas blanc.

Hélas bientôt l'infortunée
Vit la fin de son beau roman
Car elle fut abandonnée
Par son lâche et volage amant.

Cacha si bien sa peine affreuse
Tout au fond de son coeur sanglant
Qu'elle en mourut la malheureuse
Lilas blanc, à l'heure où meurt le lilas blanc.

Mais le printemps fit un prodige
Pour l'enfant qui mourut d'amour
Sur sa tombe on vit une tige
De lilas fleurir en un jour

Et son tombeau perdu dans l'herbe
Est depuis lors une fois l'an
Tout embaumé par un superbe
Lilas blanc, monté du coeur de Lilas Blanc.


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