François Béranger
AU PARADIS PERDU


Du serpent d'un bandonéon
Jaillissent mille cris de lumière
Feu d'artifice fugitif mais éclatant
Mélancolie violente du tango
Tes stridences comme un fouet
Me lacèrent de frissons
Dans le sel d'une larme
Coule le sel de la vie.
Voyage au Paradis Perdu.

Enfant aux certitudes claires
Tu cours seul dans la nuit d'été
Vers l'écurie aux odeurs fortes
D'un grand château hors du temps.
Accroupi dans la paille qui chante
Tu regardes éperdu de bonheur
L'oeil immense d'une grande jument.
Sur la pointe des pieds caresses
Ses naseaux noirs dilatés
Et repars en riant au ventre
De la nuit, au ventre de ton lit.
Au loin il y a des bruits de guerre.

La nuit brûlante de l'été
Déverse une horde kaki
Qui parle en mâchant de la gomme.
Des G.M.C. des Chevrolet
Sautent des hommes sans visage
Qui n'ont que des yeux et des dents.
Ce sont des nègres comme dans les livres.
Ils rient très fort en me lançant
De drôles de balles couleur orange.
Ils ne rient plus en me voyant
En croquer une comme une pomme.
Mon Dieu que l'Amérique est amère!

Cousine de la belle saison
Tu chantes en marchant devant moi
Dans les herbes roses et violettes.
Je voudrais être tes cheveux
Caressant ta nuque et tes seins.
Plus tard couché sous un arbre
Humides des sueurs de l'été
Ecoutant nos coeurs se calmer
Mes yeux volent sous ta robe
Ombre secrète de tes cuisses.
Rêvant d'un voyage impossible.
Tu me regardes et tu souris.

Du serpent d'un bandonéon...


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