François Béranger
PARCOURS DE NUIT


J'arpente toutes las nuits un parcours balisé
Par les bistrots tardifs de la périphérie.
Je suis un de ceux là aux yeux de poisson mort
Flottant dans le néon des bistrots-aquarium.
Qui regarde sans le voir le nouvel arrivant
Encore un mec qui pleure à trois heures de matin;
Qui commande un grand noir arrosé de poison
Et puis est-ce bien des larmes ou des gouttes de pluie?

Cette affiche sur les murs
Eclairée au mercure
Partout, dehors, dans la nuit
Une blonde, de dos, pénètre dans la mer...
Partout, dehors, dans la nuit...

A la fin du parcours, vers cinq heures du matin,
Ma carte d'identité épinglée au blouson
Eclats des gyrophares, contrôles de routine
J'escalade las grilles d'un jardin interdit
Je vais saluer des potes, fantômes cradingues,
Qui dorment là l'hiver couverts de chiffons.
Ils m'invitent, sans question, à goûter leurs biberons
De liquide incendiaire qui m'explose les tripes.

Cette affiche sur les murs etc...

Une tonnelle en béton nous tient lieu de salon
Et je perds aux échecs contre le vieil Igor.
Plus tard, vers huit heures, et au-delà des grilles,
Sortant naturelle d'un immeuble inconnu,
Passe une femme blonde, air ravi,
Comme celle de l'affiche dans las abris des bus.
J'enlace un vieux chêne. II imprime dans ma joue
Son écorce rugueuse, fraternelle.

Cette affiche sur les murs
Eclairée au mercure,
Partout, dehors, dans la nuit
Une blonde, de dos, pénètre dans la mer...
Partout, dehors, dans la nuit...


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