Georges Brassens
LA CHASSE AUX PAPILLONS



Un bon petit diable à la fleur de l'âge,
La jambe légère et l'oeil polisson,
Et la bouche pleine de joyeux ramages,
Allait à la chasse aux papillons.

Comme il atteignait l'orée du village,
Filant sa quenouille, il vit Cendrillon,
Il lui dit: "Bonjour, que Dieu te ménage,
Je t'emmène à la chasse aux papillons."

Cendrillon, ravie de quitter sa cage,
Met sa robe neuve et ses bottillons;
Et bras dessus bras dessous vers les frais bocages
Ils vont à la chasse aux papillons.

Ils ne savaient pas que, sous les ombrages,
Se cachait l'amour et son aiguillon,
Et qu'il transperçait les coeurs de leur âge,
Les coeurs des chasseurs de papillons.

Quand il se fit tendre, elle lui dit: "Je présage
Que c'est pas dans les plis de mon cotillon,
Ni dans l'échancrure de mon corsage,
Qu'on va-t-a la chasse aux papillons."

Sur sa bouche en feu qui criait: "Sois sage!"
Il posa sa bouche en guise de bâillon,
Et ce fut le plus charmant des remue-ménage
Qu'on ait vu de mémoire de papillon.

Un volcan dans l'âme, ils revinrent au village,
En se promettant d'aller des millions,
Des milliards de fois, et même d'avantage,
Ensemble à la chasse aux papillons.

Mais tant qu'ils s'aimeront, tant que les nuages
Porteurs de chagrins, les épargneront,
Y fera bon voler dans les frais bocages,
Y feront pas la chasse aux papillons.
Pas la chasse aux papillons.


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