Jacques Brel
LE GAZ
1967


Tu habites rue de la Madone
Une maison qui se déhanche
Une maison qui se tire-bouchonne
Et qui pleure à grosses planches
L'escalier colimaçonne
C'est pas grand non oh non mais y a de la place
Tu habites rue de la Madone
Et moi moi je viens pour le gaz

Tu as un boudoir plein de bouddhas
Les bougies dansent dans leurs bougeoirs
Ça sent bon c'est sans histoires
Ça ruisselle de taffetas
C'est rempli de photos de toi
Qui sommeilles devant la glace
Tu as un boudoir plein de bouddhas
Et moi moi moi je viens pour le gaz

Tu as un vrai divan de roi
Un vrai divan de diva
Du porto que tu rapportas
De la Porte des Lilas
Tu as un petit chien et un grand chat
Un phono qui joue du jazz
Tu as un vrai divan de roi
Et moi moi moi je viens pour le gaz

Tu as des seins comme des soleils
Comme des fruits comme des reposoirs
Tu as des seins comme des miroirs
Comme des fruits comme du miel
Tu les recouvres tout devient noir
Tu les découvres et je deviens Pégase
Tu as des seins comme des trottoirs
Et moi moi moi moi je viens pour le gaz

Et puis chez toi y a le plombier
Y a le bedeau et y a le facteur
Le docteur qui fait le café
Le notaire qui sert les liqueurs
Y a la moitié d'un artilleur
Y a un poète de Carpentras
Y a quelques flics oui et puis la main de ma soeur
Et tout ça est là pour le gaz

Allez-y donc tous rue de la Madone
C'est pas grand non mais y a de la place
Allez-y donc tous rue de la Madone
Et dites bien que c'est pour le gaz.


À la page des textes de Jacques Brel
À la page des textes