Michel Buhler
LE BISTRO DU KABYLE

M. Buhler


Tous les copains qu'on retrouvait la nuit
Dans le bistro du Kabyle
Des fois je me demande où ils traînent aujourd'hui
Dans quelle rue de quelle ville
C'était à Montparnasse
Au temps des ruelles et des coins noirs
Y avait pas de terrasse
Son verre on le sifflait au comptoir

Au mur y avait, attends que je me rappelle
Le port d'Alger vu de la mer
Y avait un petit qui rinçait la vaisselle
Il ne parlait que berbère
On se passait en cachette
Dans le creux de la main un peu de gazon
Oum Khalsoum en cassette
Gueulait sure le zinc sous le néon

Y avait un mec qu'inventait des chansons
Pis qu'allait faire fortune
Mimile qui nous faisait le coup de l'accordéon
On lui filait sa thune
Le pinard je m'excuse
Venait de Neuilly, pas d'ailleurs
Le patron qu'avait de la ruse
Était à peine un peu braqueur

Les flics bien sûr vers les trois heures du mat'
Pointaient leurs gueules de nazes
Y en a pas un qui leur tendait la patte
Ou qui lâchaient un blase
Ni les gros de la brocante
Ni le vieux qui pleurait son djebel
Ni les filles méritantes
Qu'attendaient Rachid ou Michel

Tu ris tu dragues tu picoles et voilà
Les belles années qui passent
Note Rue de l'Ouest elle ressemble à ce temps-là
L'a fini à la casse
Celui qu'on appelait Tranquille
L'aurait crevé sur un trottoir
Quant à Féfé et Gilles
Où c'est qu'ils sont? Allez savoir

Le vieux Djamel a cassé son chilom
Il fera plus d'ardoises
Le petit Mohan qui se prenait pour un homme
Est tombé à Pontoise
Z'ont rasé nos impasses
Y a plus de bougnats, même plus de bicots
Ce qu'ils ont mis à la place
C'est pas meilleur, c'est que du nouveau


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