Francis Cabrel
LE LAC HURON



Je suis tombé au premier matin
Devant ma mère à genoux
On m'a fait boire le lait des chiens
Chauffé sur les cailloux
Encore aujourd'hui
Quand j'ai le sang qui bout
Quand je sens que monte l'orage
Je peux hurler jusqu'à ce que les loups
Viennent me lécher le visage
Je savais lire les marques du temps
Sur les écorces des arbres
Je savais compter les éclats de marbre
Sur la peau des serpents
Ça faisait des milliers, des millions d'années
Que c'était suffisant
Ils sont quand même venus chercher mes enfants
Pour leurs écoles fédérales
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac, au bord du lac Huron
On m'a fait vivre pour d'autres règles
On m'a fait suivre d'autres lois
On m'a dit "petit le vent ne se lève pas
Sur les plumes des aigles"
Je ne sais plus reconnaître tes empreintes
Ni dessiner mes discours
Je pourrais même plus t'écrire des phrases d'amour
Sur ma figure peinte
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac, au bord du lac Huron
Le monde a tourné trop vite
Il t'a emporté tout droit
T'as pas eu le temps de prendre
Tes racines avec toi
Le jour où tu trouveras que ton histoire
Est trop jeune
Y'aura plus personne dans l'Indian Reservation
Indian
On a vu tomber aux pieds des visages pâles
Le dernier caribou
Pendant qu'épuisé, il rêvait debout
Contre les murs de toiles
Je ne sais même pas ce que peuvent en penser
Les grands manitous
Quand la nuit tombe, je perds mon chemin
Dans toutes ces étoiles
Toutes ces étoiles
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac
Ce soir je marche
Comme avant, nous marchions
Comme quand la lune était large
Au bord du lac, au bord du lac Huron


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