Francis Cabrel
LE TEMPS S'EN ALLAIT



Ce matin j'ai joué aux billes,
J'ai couru les filles,
Et j'ai pris tout mon temps.
J'ai accroché mon coeur,
Aux épines des fleurs,
Et j'ai gagné souvent.
Ce soir, je pousse de ma canne
Les feuilles des platanes
Sous les bancs de ciment,
Dans les odeurs de cigare
Et le bruit des guitares
De mes petits enfants.

Je courais, je courais, je courais,
Et le temps s'en allait.
Je courais, je courais...

Et tout le temps que je passe
Assis à la même place,
Juste à bouger les yeux.
Avec mes vieilles rengaines,
Mon écharpe de laine,
Même quand le ciel est tout bleu,
Toujours la voix qui s'embrume,
La crainte du rhume,

Ou le bruit des avions.
Et dans le froid qui s'approche
J'ai peur que les cloches
Chantent bientôt mon prénom.

Je courais, je courais, je courais,
Et le temps s'en allait.
Je courais, je courais...

Toi, mon enfant que j'aime,
Toi qui a tant de peine,
Assieds toi un moment.
Quels que soient ceux qui te quittent,
Dis-toi que le temps passe vite
Et que la poussière t'attend.
Tu vois, ces bras de misère
Ont fait le tour de la terre
Pour une fille de chez nous.
Ils ont fait sauter les tables,
Et des plages de sable,
Et des hordes de loups.
On était tellement bien,
On était tellement loin,
Qu'on était presque perdus.
On était tellement haut,
Et tellement beaux,
Qu'on ne se reconnaît plus.

On courait, on courait, on courait...
Et le temps s'en allait...

Ce matin j'ai joué aux billes,
J'ai couru les filles,
Et j'ai pris tout mon temps.
J'ai accroché mon coeur
Aux épines des fleurs
Et j'ai gagné souvent.
Ce soir, j'ai plus de problèmes,
Tout le monde m'aime,
Mais c'est pas pareil qu'avant...
Parce qu'il y a le bout de ma canne,
Les feuilles des platanes,
Et c'est l'automne tout le temps.
Toi mon enfant que j'aime...


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