Les Charlots
LA JAVA DES BOMBES ATOMIQUES
Boris Vian - Alain Goraguer


Notre oncle, un fameux bricoleur
Faisait en amateur
Des bombes atomiques
Sans avoir jamais rien appris
C'était un vrai génie
Question travaux pratiques
Il s'enfermait toute la journée
Au fond de son atelier
Pour faire des expériences
Et le soir il rentrait chez nous
Et nous mettait en trans'
En nous racontant tout

Pour fabriquer une bombe "A"
Mes enfants croyez-moi
C'est vraiment de la tarte
La question du détonateur
Se résout en un quart d'heur'
C'est de celles qu'on écarte
En ce qui concerne la bombe "H"
C'est pas beaucoup plus vach'
Mais une chose me tourmente
C'est que celles de ma fabrication
N'ont qu'un rayon d'action
De trois mètres cinquante
Y a quelque chose qui cloche là-dedans
J'y retourne immédiatement

Il a bossé pendant des jours
Tâchant avec amour
D'améliorer le modèle
Quand il déjeunait avec nous
Il avalait d'un coup
Sa soupe au vermicelle
On voyait à son air féroce
Qu'il tombait sur un os
Mais on n'osait rien dire
Et pis un soir pendant le repas
Voilà tonton qui soupir'
Et qui s'écrie comme ça

A mesure que je deviens vieux
Je m'en aperçois mieux
J'ai le cerveau qui flanche
Soyons sérieux disons le mot
C'est même plus un cerveau
C'est comme de la sauce blanche
Voilà des mois et des années
Que j'essaye d'augmenter
La portée de ma bombe
Et je ne me suis pas rendu compt'
Que la seule chose qui compt'
C'est l'endroit où se qu'elle tombe
Y a quelque chose qui cloche là-dedans,
J'y retourne immédiatement

Sachant proche le résultat
Tous les grands chefs d'état
Lui ont rendu visite
Il les reçut et s'excusa
De ce que sa cagna
Était aussi petite
Mais sitôt qu'ils sont tous entrés
Il les a enfermés
En disant soyez sages
Et, quand la bombe a explosé
De tous ces personnages
Il n'en est rien resté

Tonton devant ce résultat
Ne se dégonfla pas
Et joua les andouilles
Au Tribunal on l'a traîné
Et devant les jurés
Le voilà qui bafouille
Messieurs c'est un hasard affreux
Mais je jure devant Dieu
En mon âme et conscience
Qu'en détruisant tous ces tordus
Je suis bien convaincu
D'avoir servi la France
On était dans l'embarras
Alors on le condamna
Et puis on l'amnistia
Et le pays reconnaissant
Lui fit élever immédiatement
Un monument

(Oh monument, monument...
J'ai vraiment une sale gueule sur ce monument.

Remarquez, vaut mieux avoir une sale gueule
Que pas de gueule du tout!)


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