Georges Chelon
DE SILENCE EN SILENCE



Venir au monde par hasard,
Grandir à côté de parents
Qui se brouillent et qui se séparent,
Quand vous n'êtes encore qu'un enfant.
Ne pas s'apercevoir du vide
Qu'il a laissé en s'en allant,
Et mettre innocemment les rides
De sa mère sur le dos des ans.

Se renfermer lorsque s'éveille
Ce corps qu'on ne vous apprend pas,
Qu'au lieu de vous pousser des ailes
Il ne vous pousse qu'une croix.
Entre l'aumônier du lycée
Et celle qui n'attendait que ça,
Vous avez perdu des années
Que vous ne rattraperez pas.

Vieillir au creux de son enfance,
Presque en cachette de la vie,
Mûrir de silence en silence,
Chaque jour, petit à petit,
Deviner avant de savoir
Savoir avant d'avoir compris
Comprendre et puis ne pas pouvoir
Être ce qu'on aurait envie.

Et puis cette autre déchirure,
Qui vous arrive en plein amour,
Comme un affront, comme une injure,
Et qu'on n'accepte pas toujours.
Votre moitié de rire, de peine
Et de souvenirs qui s'en va,
Cette autre partie de vous-même
Part vivre sous un autre toit.


À la page des textes de Georges Chelon
À la page des textes