Georges Chelon
LA TIRELIRE



Dans la tirelire d'un enfant
Une pièce de quelques anciens francs
Dormait au fond depuis longtemps
Cette Marianne de vingt ans
Attendait la visite
De quelque riche prince charmant
Un Molière tout en nouveaux francs
Ferait l'affaire mais rien à faire
L'enfant n'était pas riche
Et Marianne se désespérait

Elle se sentait dévaluée
Dieu si elle pouvait s'échapper
Comme tout irait vite
Elle aurait, splendide,
Plein de sous
Étalon-or à ses genoux
Ce serait l'affaire
Mais rien à faire

L'enfant mais l'enfant
La retenait prisonnière
Il savait qu'il lui en faudrait beaucoup
De patience et surtout de sous
S'il voulait arriver au bout
De son rêve de gosse
Prendre un avion qui l'emporterait
Loin d'un ciel qui même en juillet
Était si gris qu'il en pleurait

L'enfant mais l'enfant
Par un semblant de miracle
Par hasard, par chance, comme on veut
Chacun prendra ce qu'il veut
Trouva sur le trottoir
Un vieux Victor Hugo
En passe de voir ses jours
Prématurément finir
Sous le pied d'un passant
Alors pensez s'il fut content
Que l'enfant le ramasse
Que Marianne lui saute au cou
Le trouvant dit-elle à son goût

L'amour est fou mais savez-vous
Notre homme dans l'histoire
Se montra digne de cet élan
La tirelire s'emplit d'argent
Car ils en eurent tant et tant
D'enfants que l'enfant
Les prit et partit pour un pays
Où l'argent n'avait aucun prix
Les prit et partit pour un pays
Où le ciel n'était jamais gris
Et mon conte s'arrête ici


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