Georges Chelon
LES TROIS CHANSONS



En vidant le fond d'un tiroir
J'ai retrouvé trois chansons
La première est une belle histoire
La deuxième se chante en canon
La troisième la morale me garde
D'en éditer la partition
C'est une chanson de corps de garde
Passons

Elle était jeune et printanière
Ma première chanson d'amour
Elle avait la rime légère
Mais sur mon coeur elle pesait lourd
Même si les traits de son visage
Dans ma mémoire n'ont plus cours
Ce vin de modeste cépage
Avec le temps c'est du velours

Entonne ce canon mon frère
Il ne peut pas te faire de mal
Ce n'est pas celui de la guerre
C'est le canon des chorales
On l'a sauvé de la poussière
En son honneur on va chanter
Vive le canon qui fait lever les verres
Santé

Carabins cette orgie est de celles
Que l'on n'est pas près d'oublier
Les vainqueurs des vaincus se démêlent
Le jour va bientôt se lever
Il est temps pour chacun de reprendre
Possession de ses attributs
A qui ce pied, à qui ce ventre
Ce cul

Adolescentes chansonnettes
Perdues dans un coin de mon coeur
Comme jetées aux oubliettes
A croire qu'elles me faisaient peur
Depuis j'ai travaillé mes rimes
Et j'ai soigné la construction
Mais le fond a moins bonne mine
C'est con

Il paraît que les hommes ma chère
Une fois les années passées
Devenus septuagénaires
Se reprennent à espérer
C'est comme un regain de conscience
Une dernière bouffée de printemps
Une sorte de renaissance
Avant de se gâter vraiment

De nouveau le coeur qui s'affole
Le rouge qui vous vient aux joues
Rien que pour sa main que l'on frôle
Ou l'éclair blanc de son genou
De nouveau croire que sur la terre
Les hommes un jour vivront heureux
De nouveau se vouer à l'enfer
En chantant "Le plaisir des dieux"

J'allais refermer le tiroir
Quand il me vint comme une idée
Chansons d'amour, chansons à boire
Et vous filles de Camaret
Attendre pourquoi attendre
Le jour où je serai vieux
Attisons ce feu sous la cendre
Morbleu


À la page des textes de Georges Chelon
À la page des textes