Claude Dubois
L'APPRENTI ARTISTE



Un gros monsieur mange des frites, la petite a les doigts dans le nez
Chacun envie la place de l'autre le spectacle va commencer
Pendant que derrière les gradins les vieux forains se baignent d'injures
Lui il rêve de faire l'artiste mais pour l'instant son coeur palpite

La première fois qu'on se voit avec la peur imprévisible
Comme dans la peau d'un masque vide
Tenir sa chance dans un miroir de la loge d'un clown absent
Mais du miroir il faut sortir comme pour devenir magnifique
Charmer le monde d'une pirouette et sans retomber sur la tête

Tu regardes les autres et déjà tu as peur
En souhaitant à ton tour jongler avec ton sort
Quitte cette roulotte pour faire place à l'Auguste
Il faut souhaiter partir plus loin qu'on imagine
Pour accepter de vivre autant de discipline
Sacrifier sa jeunesse à autant de labeur
Pour apprendre à tenir sur un doigt ou un fil
Apparaître comme si toujours c'était le bonheur
Sans jamais laisser voir l'ombre même d'un effort
Il faut sortir de piste souriant et vainqueur
Approcher approcher l'école du cirque va vous montrer
Qu'on a beau être rien
Mais c'est quelque chose

Même si tu ratais ton numéro l'acteur
Tu dois laisser croire à tous les spectateurs
Que tout était voulu la chute même les pleurs
Que tout va pour le mieux au spectacle continuel

Tu n'en es que plus grand l'artiste prometteur
Devenir clown pour ne pas être qu'un imbécile à la merci
D'un monde dur, sans faveur, exister pour le spectateur
Douter met en péril tout au long de sa vie
L'artiste dans sa gloire d'incompris
Quand chaque maladresse est un enseignement
Que le moindre de nos gestes nous semble tellement faux
On envie les statues parce qu'on leur trouve une âme
Il faut manquer de tout pour accepter de vivre
De maison en maison et puis de ville en ville de pays en pays
S'inventer des planètes s'imaginant trouver d'être en être l'amour
Il rêve à autre chose l'éternel débutant
D'embrasser les étoiles éphémères pierre froides
Il attise son art et repart à zéro
En attendant l'aumône les poches pleines de cailloux ramassée sur la route
Voyageur sans le sou enfin ton chapiteau ton chapiteau
Parce que coupable de ne pas avoir assez grandi
Tu pris pour habitude de remettre le bouchon sur une bouteille vide
Pour y garder ton âme
On a beau n'être rien
Mais c'est quelque chose
Être clown ambulant c'est l'ambition du débutant


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