Léo Ferré
LA MER NOIRE


Je préfère le drapeau noir
A la marée en robe noire
Quand les goélands pour y voir
Préfèrent y voir de mémoire
Les corbeaux blancs de Monsieur Poe
Géométrisent sur l'aurore
Et l'aube leur laisse le pot
Où gît le homard nevermore
Ô chansons sures de marins
Dans le port nagent des squelettes
Et sur la dune le destin
Vend du cadavre aux goélettes
Ces chiffres de plume et de vent
Volent dans la mathématique
Et se parallélisent tant
Que le baril joint l'ESThétique

Je préfère le drapeau noir
A la marée en robe noire
Quand les cormorans pour me voir
Préfèrent me voir de mémoire
Tous ces varechs me jazzent tant
Que j'en ai mal aux percussions
L'avenue sombre du jusant
Soutient la grève des poissons
Des raies transies sur le bitume
Parlaient de se faire beurrer
Des loups cherchaient ceux qui transhument
Quand les mouettes ont déraillé
En croix granit christ bikini
Comme un nègre d'enluminure
Je voix des oiseaux crucifix
Porter sur le dos mon carbure

Je préfère le drapeau noir
A la marée en robe noire
Quand les mouettes pour se voir
Préfèrent se voir de mémoire
Les coquillages incompris
La perle noire à leur corsage
Attendent que vienne la nuit
Pour se remettre à l'étalage
Le crépuscule des atouts
Descend de plus en plus vers l'ouest
Le général avait la toux
C'est nous qui toussions sur un geste
Je préfère le drapeau noir
A la marée en robe noire
Quand les marins pour ne rien voir
Mettent en route la mémoire

Et si des fois le drapeau noir
Sur un voilier en voile noire
Mettait la flibuste au pouvoir
Ça pourrait déranger l'histoire
Qui remettra le drapeau noir
A nos voilier en voile noire
Et les marins au beau milieu
Mettront en route leurs beaux yeux
SUR LA MER BLEUE


À la page des textes de Léo Ferré
À la page des textes