Léo Ferré
LE VIEUX MARIN


La mer est allée chercher fortune
Là-bas sous les jupons de la lune
Et moi qui ne suit qu'un pauvre oiseau
Mouette ou goéland gigolo
Je crie qu'elle revienne bientôt
Mouiller tous ces calmes matelots
Figés dans leur statut de bateau
Tout gris de la marée de tantôt

J'ai mon tabac
Je suis de la sécurité
Je paye pas d'impôts
L'hiver je met mon chandail
Je biche
Je fous rien

La vie c'est comme la mer retirée
Au loin comme le dit le calendrier
Vraiment y'aurait de quoi bien se marrer
Petit si elle revenait jamais
Partout parmi les algues et le sable
Il y a un tout petit coin de table
Et toi qui n'est pourtant pas méchant
Tu trouves des coquillages enfants

Je mange pas de poisson
Vu que c'est lourd pour mézigue
Je suis bien
Quand j'embarquais
J'avais mon litre de rhum
Je buvais

Ton coeur c'est comme une vague indomptée
Qui plie sous le chagrin d'une fée
Qui fait une scène au vent du nord
Qui sort avec une voile loin du port
Et là dans un café d'horizon
Tu bois quelques coups à ta façon
Et verse une ou deux larmes d'écumes
Et plumes une voile de plus dans la brume

Quand je partirais
Je mettrais mon duffle-coat
Mazette
Et ce bon dieu de merde
Qui me laisse pourrir à terre
Salaud


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