Thomas Fersen
SANDRA


Quand on se trouve en face de l'incompréhensible,
On dit généralement: "ce n'était que le chat",
Mais le chat somnolait sur le lit en pacha,
Ronronnant de plaisir sous la main invisible.

Quand on ouvre les yeux au milieu de la nuit
Et que l'on tend l'oreille en guettant quelque bruit,
On se dit à soi-même en remontant le drap:
"Ce n'était que le vent" ou "ce n'était qu'un rat".

Mais on accuse à tort la gent trotte-menu
Et les intempéries, je sais qui est venu,
Le fantôme n'est pas celui de ma grand-tante,
Depuis que je l'ai vue, une fille me hante.

Quand je l'ai raconté, personne ne m'a cru,
Le drap qui séchait sur le fil a disparu,
Et s'il a disparu, c'est que quelqu'un l'a pris
Ou est-ce par l'opération du Saint-Esprit?

Mais on accuse à tort un pauvre bohémien,
Je sais que ma maison est sur le plan de vol
D'un fantôme léger comme un aérosol,
Je l'appelle Sandra puisqu'elle a pris le mien.

Les fantômes ne se promènent pas tout nus
Dans les châteaux humides et pleins de courant d'air
Et il faut reconnaître que le drap pour tenue
Est plus avantageux qu'un sac de pomme de terre.

Elle était ce matin dans mon rideau de douche
Quand je me savonnais, à la jambe il me touche,
Et j'ai su reconnaître à ce contact froid,
Le chiffre des fantômes: la surprise et l'effroi.

Quand on se trouve en face de l'incompréhensible,
On dit généralement: "ce n'était que le chat",
Mais le chat somnolait sur le lit en pacha,
Ronronnant de plaisir sous la main invisible.

Depuis que j'ai croisé cette fille au village,
Elle est dans les mousselines, elle est dans les voilages,
J'entends son pas léger et je sens sa caresse,
Comme par enchantement les ciseaux disparaissent.

Mais on accuse à tort la gent trotte-menu
Et les intempéries, je sais qui est venu,
Le fantôme n'est pas celui de ma grand-tante,
Depuis que je l'ai vue, une fille me hante.


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