Jean Lumière (1947)
AH! CE QU'ON S'AIMAIT
Lucien Boyer - Paul Marinier, 1913


Ma chère, l'autre jour en passant dans la rue
Où jadis nous logions au sixième sur la cour
J'ai vu "chambre à louer" et l'idée m'est venue
D'aller revoir un moment notre ancien nid d'amour
Ces jours lointains passés à vos genoux
Peut-être encore vous en souvenez-vous?

Ah! ce qu'on s'aimait, ce qu'on s'aimait tous les deux
Du mois de janvier jusqu'à la fin décembre
Nul ne saura ce qu'on a été heureux
Tout près du ciel, dans notre petite chambre
Ah! ce qu'on s'aimait, ce qu'on s'aimait tous les deux
Dans la mansarde où tu fus ma maîtresse
Mais qu'il est loin le rêve bleu
De ma jeunesse.

Vous faisiez des chapeaux moi je faisais de la peinture
On ne pouvait pas s'offrir un joli mobilier.
Seulement y'avait des fleurs tout le long de la toiture
Au printemps notre jardin embaumait tout le quartier
Les petits moineaux venaient dîner avec nous
On se bécotait pour les rendre jaloux.

Ah! ce qu'on s'aimait, ce qu'on s'aimait tous les deux
Dès que le soleil voulait bien nous le permettre
Afin de montrer comme on était heureux
On s'enlaçait le dimanche à la fenêtre
Ah! ce qu'on s'aimait, ce qu'on s'aimait tous les deux
Nos voisins même au bruit de nos caresses
Étaient jaloux, tant pis pour eux,
De notre jeunesse.

Tu vas rire de moi j'ai reloué la chambrette
Je l'ai parée ainsi qu'elle était autrefois
Si tu veux revenir ta place est toute prête
Tout est comme jadis il n'y manque que toi
Nos coeurs blessés se comprendront bien mieux
Et dans vingt ans lorsque nous serons vieux...

Ah! ce qu'on s'aimera, ce qu'on s'aimera tous les deux
Tes cheveux gris te rendront plus jolie
Et puis vois-tu ce qui nous rendra heureux
C'est le souvenir des anciennes folies
Ah! ce qu'on s'aimera, ce qu'on s'aimera tous les deux
Nous remplacerons l'amour par la tendresse
Et nous revivrons au coin du feu
Toute notre jeunesse.


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