Mouloudji
ALLONS Z'ENFANTS

Paroles: Boris Vian, musique: Mouloudji et André Assayag


L'autre jour dans mon courrier j'ai reçu des papiers
J'en suis, je vous le dis, j'en suis resté tout pâle
On me disait tout dret d'aller me présenter
A la caserne qui se trouve dans mon quartier.
Je m'en vais donc là-bas et je leur dis c'est moi
Je viens, ce matin, m'en voir de quoi qu'y retourne
On m'a donc fait rentrer et je leur ai de mandé
A voir celui-là qui m'avait convoqué.
Me voilà dans un bureau qui n'était pas bien beau
Y avait, c'est vrai, une petite secrétaire
Avec un uniforme qu collait à ses formes
Je m'en suis senti bientôt ragaillardi.
Mais y avait aussi un militaire assis
Qui me dit mon petit qu'est-ce que vous venez faire
Moi j'y ai répondu c'est qu'on m'a convoqué
Monsieur le soldat c'est pour ça que je suis là.
Il m'a dit: Gardavou! Mais où vous croyez-vous
Je vois, ma foi, vous êtes une forte tête
Vous asseoir devant moi ça se passera pas comme ça
Debout sans retard ou je vous fourre au mitard.
Moi j'y ai répondit je ne suis qu'un jeune conscrit
Y a pas d'offense si je connais pas l'usage
Je vous voyais-t-assis, je me suis assis-z-aussi
Voici, voici, pourquoi j'agis ainsi.
Je me suis relevé et je lui ai-z-avoué
Que j'étais pincé pour sa petite secrétaire
Pis j'ai voulu savoir si elle sortait le soir
Et si les bleus avaient le jeudi pour eux.
Il est devenu tout noir, c'était pas beau a voir
Il s'est levé et m'a botté les fesses
Et puis il m'a conduit chez un ami à lui
Un adjudant qui m'a fourré dedans.
On m'a rééduqué toute la matinée
L'après midi j'ai balayé les chiottes
Et ça a continué pendant des mois entiers
Jamais, jamais, j'avais tant balayé.
Je vois les autres gars marcher sans se tromper de pas
Mais moi, je crois que je suis-t-un incapable
J'ai pas de goût au fusil et dans ma compagnie
On dit que je suis le plus con des conscrits.
Je suis même trop con pour jouer du clairon
J'en tire des sons qui les mettent tous en rage
Moi ça m'intéresse pas de jouer lève toi soldat
Quand je suis tout seul je joue le grand air d'Aïda.
Mon vieux copain Dubois qu'était un bleu comme moi
Avait, je le sais le goût du militaire
Il a des galons neufs, ça fait un effet boeuf
Voilà ce que c'est d'écouter les gradés.
Ils me l'ont répété, pour être un bon troupier
Obéissez aux officiers de carrière
Dubois est adjudant, il finira yeut'nant
Pourvu qu'on trouve le moyen de vivre cent ans.
Pour émerger du rang, un seul commandement
Travail constant, devoir et discipline
Moi si pendant vingt ans je balaie les latrines
Je vois pas pourquoi que je serai pas commandant!


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