Marc Ogeret
LE CHANT DES OUVRIERS
P. Dupont (1846)


Nous dont la lampe le matin
Au clairon du coq se rallume
Nous tous qu'un salaire incertain
Ramène avant l'aube à l'enclume,
Nous qui des bras, des pieds, des mains,
De tous le corps luttons sans cesse,
Sans abriter nos lendemains
Contre le froid de la vieillesse

REFRAIN:
Aimons-nous et quand nous pouvons
Nous unir pour boire à la ronde
Que le canon se taise ou gronde
Buvons, buvons, buvons,
A l'indépendance du monde.

Nos bras, sans relâche tendus
Aux flots jaloux, au sol avare,
Ravissent leurs trésors perdus
Ce qui nourrit et ce qui pare:
Perles, diamants et métaux,
Fruit du coteau et de la plaine,
pauvres moutons, quels bons manteaux
Il se tisse avec notre laine!

REFRAIN

Quel fruit tirons-nous des labeurs
Qui courbent nos maigres échines!
Où vont les flots de nos sueurs?
Nous ne sommes que des machines.
Nos Babels montent jusqu'au ciel
La terre nous doit ses merveilles:
Dès qu'elles ont fini le miel,
Le maître chasse les abeilles.

REFRAIN

Mal vêtus, logés dans des trous,
Sous les combles, dans les décombres,
Nous vivons avec les hiboux,
Et les larrons amis des ombres.
Cependant notre sang vermeil
Coule impétueux dans nos veines,
Nous nous plairons au grand soleil
Et sous les rameaux verts des chênes.

REFRAIN

A chaque fois que par torrents
Notre sang coule sur le monde,
C'est toujours pour que les tyrans
Que cette rosée est féconde,
Mangeons-le dorénavant,
L'amour est plus fort que la guerre,
En attendant qu'un meilleur vent
Souffle du ciel ou de la terre.


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