Marc Ogeret
IL FAISAIT SI BEAU CE MATIN
Louis Aragon, musique: Jean-Paul Marchand, 1954


Mais dans la maison tiède et douce
Où sous le toit de tuiles rousses
Un enfant nu dort sur son lit
Le petit poste en galalithe
Dit soudain des mots insolites
Qu'on croyait tombés dans l'oubli

La fenêtre obscure est ouverte
Au contre-jour de vignes vertes
Où le vent pousse le rideau
Ses contrevents pâles s'accrochent
Au mur qui s'appuie à la roche
Avec un figuier dans son dos

On entend marcher sur la sente
Sans doute la mère est absente
Qui laissa son fils endormi
Et c'est comme un essaim de mouches
Ces vocables d'aucune bouche
L'enfant se retourne et gémit

Sans oreilles à ces paroles
L'ombre fait le maître d'école
Devant la cuvette et le broc
Et leur dit comme un fait vulgaire
Qu'à l'aurore aujourd'hui la guerre
A levé son front de taureau

Il faut recommencer qu'on meurt
Des gens dormaient dans leurs demeures
Comme ici dort cet enfant-là
L'armoire se tait, mais la porte
Proteste: Après tout, peu m'importe
Ça se passe au Guatemala

Je saisis mal toutes ces choses
Notre voisine est peinte en rose
Il faisait si beau ce matin
Sur la terrasse on pouvait voir
Sécher du linge et des bas noirs
Devant les volets bleus déteints


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