Pierre Perret
LE VIEUX MARIN
1998


Je baisais, quand j'avais vingt ans,
Dans tous les ports, dans toutes les villes
De Bornéo jusqu'à Lorient.
Dehors, dedans, à domicile,
Je baisais inlassablement.

J'étais marin, toujours content
De naviguer fort à l'aise,
De tirer sur le cabestan,
Jamais contrarié du gros temps,
Pourvu qu'en arrivant, je baise.

Je ne fréquentais les bordels
Que par pure délicatesse
Car je plaisais aux demoiselles
Mais il faut penser à toutes celles
Qui n'ont pour manger que leur fesses.

J'en ai connu une bien gentille,
Une belle coquine qui besognait.
Elle m'enveloppait dans ses chevilles,
Entre ses lèvres et ses poignets.
On se rendait bien la monnaie.

C'était une saine brunette,
Or la mignonne profita
Que j'avais un chat dans la gorge
Pour butiner mon sucre d'orge.
Le diabète ne l'inquiétait pas.

La garce, elle a été perverse.
Je l'encourageais en tout cas
Car ces pratiques étaient diverses
Et la belle était folle de joie
Quand sa menotte avait six doigts.

Elle survolait toute ma couche.
Son rose petit con charmant
Venait se poser sur ma bouche.
On aurait dit un oiseau mouche
Ou un papillon insouciant

Et je bandais en soulevant
Le drap mouillé de fusées fraîches,
Changeant d'hôtel et de caresse
Et en traversant ma jeunesse
Au gré des filles, au gré du vent.

Ainsi parlait un marseillais,
Un vieux marin de la joliette
Qui attirait encore les jupons
Car nombreuses étaient les fillettes
Qui lui tiraient sur le pompon.

Il dit : « J'ai le coeur plein de gaieté,
Bien que je ne baise plus guère.
A quatre-vingt balais, peuchère,
Je me dis, putain, bonne mère,
Que j'ai bien fait d'en profiter.

A quatre-vingt balais, peuchère,
Je me dis, putain, bonne mère,
Que j'ai bien fait d'en profiter.


À la page des textes de Pierre Perret
À la page des textes