Michel Rivard
LA PRINCESSE ET LE CROQUE-NOTES


Jadis au lieu du jardin que voici
C'était la zone et tout ce qui s'ensuit
Des masures des taudis insolites
Des ruines pas romaines pour un sou
Quant à la faune habitant là-dessous
C'était la fine fleur c'était l'élite

La fine fleur l'élite du pavé
Des besogneux des gueux des réprouvés
Des mendiants rivalisant de tares
Des chevaux de retour des propre-à-rien
Ainsi qu'un croque-note un musicien
Une épave accrochée à sa guitare

Adoptée par ce beau monde attendit
Une petite fée avait fleuri
Au milieu de toute cette bassesse
Comme on l'avait trouvée près du ruisseau
Abandonnée en un somptueux berceau
A tout hasard on l'appelait Princesse

Or un soir Dieu du ciel protégez-nous!
La voilà qui monte sur les genoux
Du croque-note et doucement soupire
En rougissant quand même un petit peu
C'est toi que j'aime et si tu veux tu peux
M'embrasser sur la bouche et même pire

Tout beau princesse arrête un peu ton tir
J'ai pas tellement l'étoffe du satyre
Tu as treize ans j'en ai trente qui sonnent
Grosse différence et je ne suis pas chaud
Pour tâter de la paille humide du cachot
Mais croque-note je dirai rien à personne

N'insiste pas fit-il d'un ton railleur
D'abord tu n'es pas mon genre et d'ailleurs
Mon coeur est déjà pris par une grande
Alors princesse est partie en courant
Alors princesse est partie en pleurant
Chagrine qu'on ait boudé son offrande

Y'a pas eu détournement de mineure
Le croque-note au matin de bonne heure
A l'anglaise a filé dans la charrette
Des chiffonniers en grattant sa guitare
Passant par là quelques vingt ans plus tard
Il a le sentiment qu'il le regrette
Il a le sentiment qu'il le regrette


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