Michel Rivard
SHEFFERVILLE, LE DERNIER TRAIN


Il n y a plus rien au Rock city depuis quelques mois
Y a d la neige dans la porte du vieux cinéma
Dans la rue un chien jappe et se prend pour un loup
La nuit tombe sur la ville qui m a donné le jour
A la brasserie ça chante plus fort que d habitude
Pour la fête à Johnny qui s en retourne dans le sud
Mais le sud de Shefferville c est pas la Jamaïque
C est Québec ou Matane ou le Nouveau-Brunswick

En novembre passé ils ont fermé la mine
J ai vu pleurer mon père sur la table de la cuisine
C était pas tant de perdre une job assurée
Que de voir s évanouir le rêve de trente années
Quand j suis venu au monde ils étaient jeunes mariés
Venus trouver l'amour et la prospérité
Dans une ville inventée par une grosse compagnie
En plein nord en plein froid et en plein paradis

Aujourd'hui ça m fait mal de voir tout le monde partir
C'est ici que je suis né c'est là que je veux mourir
Avec une caisse de douze une aurore boréale
Et la femme de ma vie couchée sous les étoiles
Couchée sous les étoiles

J ai passé ma jeunesse à prendre les bois
A la chasse à la pêche à boire avec les gars
Un ski-doo entre les jambes et l'orgueil dans le coeur
J suis devenu un homme et j'ai connu la peur

Sur les traces de mon père je suis parti travailler
Et la mine de fer est devenue réalité
Un amour de ma femme et la chaleur de mon foyer
Et la peur de me faire prendre tout ce que j'ai gagné

Aujourd'hui ça m fait mal de voir tout le monde partir
C'est ici que je suis né c'est là que je veux mourir
Avec une caisse de douze une aurore boréale
Et la femme de ma vie couchée sous les étoiles
Couchée sous les étoiles

Et au bout de la ligne c'est l histoire qui décide
Si le poids de nos rêves nous entraîne dans le vide
Je suis monté à pied sur la côte du radar
J'ai vu mourir ma ville sous le soleil du nord

C'est pas moi qui peux changer le cours de la vie
Si y a personne qui reste je vais partir moi aussi
Mais c'est moi qui veux fermer les lumières de la ville
Lorsque le dernier train partira pour Sept-Îles
Lorsque le dernier train partira pour Sept-Îles


À la page des textes de Michel Rivard
À la page des textes