Bernard Roy
EN ATTENDANT


C'est aujourd'hui, ça fait deux ans
Que j'ai revêtu l'uniforme blanc
Que j'ai quitté papa, maman
Pis les études, en attendant
En attendant d'avoir de l'argent

En attendant d'avoir de l'argent
J'ai du quitter ma gang de chum
Sylvain Denis, le trium-virum
Et les soirées à la grosse bière
À ta taverne Chez petit père
J'ai dû tout mettre entre parenthèses
En attendant d'être plus à l'aise

Mais je jure sur la tête de mon père
Qu'un jour prochain je partirai en mer
Sut un voilier je ferai le tour du monde
Pour me prouver que la terre
Elle est bien ronde

C'est aujourd'hui, ça fait dix ans
Que j'ai revêtu l'uniforme blanc
C'était hier, déjà deux ans
Que je suis papa, qu'elle est maman
Et qu'on a pas beaucoup d'argent

En attendant d'avoir de l'argent
On ne se voit plus et je suis plus seul
Que du temps même ou j'étais seul
Et quand on se voit, ce pour se déplaire
Se menacer de l'annulaire
Mais faut bien faire des sacrifices
En attendant tu bénéfices

Mais je jure sur la tête de mon père
Qu'un jour prochain nous partirons en mer
Faire une croisière, sortir du quotidien
Pour me prouver que l'amour existe bien

C'est aujourd'hui, ça fait vingt ans
Que j'ai revêtu l'uniforme blanc
Déjà de la classe des vétérans
Des vétérans des derniers rangs
Parce qu'on a pas beaucoup d'argent

Et puis maintenant, je fais sur-temps
Ça passe le temps, ça paye les dettes
C'est une sacré bonne escampette
De la maison où je tourne en rond
Et où souvent je sort de mes gongs
Les enfants me rendent à bout de nerfs
Paraît que je ressemble à mon père

Mais je jure sur le cancer de mon père
Qu'un jour prochain j'irai au bord de la mer
Sur le sable chaud je m'évacherai des heures
Pour me prouver que l'argent
Fait pas le bonheur

C'est aujourd'hui plus de trente ans
Que j'ai revêtu l'uniforme blanc
Mais j'ai cessé de compter les ans
Je compte maintenant mes cheveux blancs
J'en ai déjà plus que d'argent

Pour mes vieux jours un peu d'argent
Coupe nos dépenses, coupe le budget
Prends l'autobus, ménage l'auto
Je ne sors plus que pour les rabais
Mais je sais qu'un jour je gagnerai le gros lot
Même si devenu quinquagénaire
Le sort fera de moi un millionnaire

Et puis je jure sur ta tombe mon père
Que vieux enfin j'aurai mon bord de mer
Heureux j'irai te chercher parmi les morts
Pour te prouver enfin que t'avais tort


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