Richard Séguin
LE PERRON


Comme les arbres elle regarde grandir les enfants
La vieille dame connaît bien la présence du temps

Le perron des souvenirs et deux générations
Au balcon des sourires respire l'accordéon

Depuis tellement d'années qu'elle habite au premier
On lui dit aujourd'hui que son bonheur est ailleurs
Est ailleurs

Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans le quartier
Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans ce quartier
Qu'elle a toujours aimé

Comme les arbres elle entend le soupir des passants
Cour d'école au soleil et klaxons au réveil

Les Chinois d'à côté les fleurs du Portugal
Cordes à linge accrochées aux croix du Mont-Royal

Au perron des jours gris elle balaie les feuilles mortes
Le progrès sans respect jour et nuit à sa porte
À sa porte

Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans le quartier
Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans ce quartier
Qu'elle a toujours aimé

L'appétit des gratte-ciels se fout bien des ruelles
Sous la neige et l'oubli reste un perron détruit

De sa chambre on peut voir tous les nouveaux trottoirs
Les condos les miroirs d'un pays sans mémoire
Sans mémoire

Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans le quartier
Comme si elle n'avait jamais
Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans le quartier
Comme si elle n'avait jamais jamais vécu dans ce quartier
Qu'elle a toujours aimé

Qu'elle a toujours aimé
Qu'elle a jamais quitté


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