Anne Sylvestre
LES AMIS D'AUTREFOIS


Les amis d'autrefois,
S'ils entendent ça,
Les amis du passé
Vont se rappeler:
- Nous n'étions, nous n'étions
Qu'à peine moins vieux.
Nous avions, nous avions
Envie d'être heureux,
Et s'il y avait la mer,
S'il y avait le vent,
Un ciel toujours couvert
Et puis nos vingt ans,
C'est pour une aventure
Que nous inventions.
Plus la mer était dure
Et mieux nous vivions
Et quand, au soir tranquille,
On se retrouvait magique et facile,
Cet air nous berçait.

Oh! souvenez-vous-en,
M'oubliez pas trop!
J'ai glissé nos vingt ans
Dans ces quelques mots.
Croyez-vous, croyez-vous
Qu'on oublie son coeur
Avec vous, avec vous?
J'ai compris le bonheur,
Nos rires, nos folies.
Sur un fond de ciel
Notre île était jolie,
La mer était belle.
Nous avions encore l'âge
D'aimer pour de vrai,
Et de tous ces naufrages
Nos coeurs se riaient.
Mais, Dieu! que c'est dommage!
Vous avez grandi,
Vous n'êtes plus sauvages
Que le samedi.

Mes amis d'autrefois,
Nous voici au sec.
Nous rêvons quelquefois
De l'île Dreneck.
Il fallait, il fallait
Naviguer sans plus.

Si j'avais, si j'avais
Oh! si j'avais su,
Je m'y serais noyée
Pour ne plus vieillir,
Pour ne jamais changer,
Pour n'en plus partir,
Mes amis que j'appelle,
Mes amis perdus.
Dieu, que la mer est belle
Quand on ne navigue plus!
Oh! que la mer me manque,
Que la mer est loin!
Oui, la mer me flanque
Un fameux coup de chien.

Les amis d'autrefois,
S'ils entendent ça,
Les amis du passé
Vont se rappeler...


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