Anne Sylvestre
LA PAYSE


Quand je te vois qui me regardes,
Je me sens fille autant que fleur.
Un jour, si je n'y prends pas garde,
Je serai terre, toi laboureur.
Mais quand le soir se déguise,
Il faut caresser les chemins,
Et quand le vent se change en brise,
Il faut que je tende la main.

Et comme nous sommes
Du même pays,
Mon pays,
Que je suis ta payse,
Faut bien
Qu'on sympathise.

Je l'ai bien vu l'autre semaine
Que nous venions du même champ,
Que nous semions les mêmes graines
Germées dans un même printemps.
Mais lorsque deux coeurs s'éternisent,
Qui sait ce qu'il en adviendra.
Quand ton regard sur moi se brise,
Il faut que j'entrouvre les bras.

Et que vont-ils bien y comprendre,
À cet amour de terre et d'eau,
Ceux-là qui voudraient nous apprendre
À nous aimer avec des mots.
Et quand tous leurs grands mots s'épuisent,
Ils ne sont riches que de vent.
Pour moi, je t'aime et qu'il suffise
De te le répéter souvent.


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