Serge Utgé-Royo
CHANSON DE CRAONNE


Quand au bout de huit jours le repos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personne ne veut plus marcher.
Et le coeur bien gros, comme dans un sanglot,
On dit adieu aux civelots.
Mais sans tambour et sans trompette
On s'en va là-bas en baissant la tête.

REFRAIN:
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous des condamnés
Nous sommes les sacrifiés.

Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la relève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain dans la nuit et le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Nos pauvre remplaçants vont chercher leurs tombes.

REFRAIN

C'est malheureux de voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire,
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu de se cacher tous ces embusqués
Devraient bien monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous on n'a rien.
Nous autres les pauvres purotins
Et les camarades sont étendus là
Pour défendre les biens de ces messieurs-là.

Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, nous les truffions
On va se mettre en grève
Ce sera votre tour messieurs les gros
De monter sur le plateau
Si vous voulez encore la guerre
Payez-la de votre peau.


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