Guy Béart
LES ENFANTS DE BOURGEOIS



Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à la misère.

Ils marchent déguisés en mendiants distingués:
Ça coûte cher les jeans rapiécés.
Ils ont pris nos vêtements, nos bleus et nos slogans.
Leur beau linge les attend chez leurs parents.

Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à la vie dure.

Leurs dents ont trop souffert à cause du raisin vert
Que leurs parents ont mangé hier.
Ils viennent, ces chéris, sur nos tables pourries
Poser leurs hauts talons de leurs théories.

Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à l'herbe verte.

Ils vont planter leur fraise en Ardèche, en Corrèze.
Leur soeur, elle fait du tricot à l'anglaise.
Ils vont, le coeur vaillant, à la ferme dans les champs.
La terre est dure, mais ça ne dure pas longtemps.

Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à la commune.

Ils font quelques enfants libres et nus soi-disant
Qu'ils abandonnent chez le premier passant.
Ils abritent des chiens, des oiseaux, des copains,
Des chats qui meurent écrasés un par un.

Les enfants de bourgeois jouent à, jouent à,
Les enfants de bourgeois jouent à l'aventure.

Ils traversent les mers, les idées, les déserts.
Quand ça va mal, ils n'ont qu'à changer d'air.
Quand ils crient au secours, voici qu'ils trouvent toujours
Au fond de leur poche leur ticket de retour.

A force de jouer où est, où est,
À force de jouer, où est l'espérance?


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