Georges Brassens
C'ÉTAIT UN PEU LESTE
Et quand elle eut fini de coudre le linceul
Et de faire la sieste,
La veuve a décidé de ne pas rester seule
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de couver ce dessein
Elle mit sa veste,
Et vint frapper chez moi, son plus proche voisin,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini la dernière bouchée
D'un repas modeste,
Elle dit: "Il se fait tard, c'est l'heure de se coucher",
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de bassiner le lit,
Alea jacta est,
Dans ses bras accueillants, j'étais enseveli,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de me presser sur son coeur,
De leurs voix célestes
Les anges d'alentour soupiraient tous en choeur,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de reprendre ses esprits,
Elle manifeste
La fâcheuse intention de m'avoir pour mari,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de tenir ces propos,
Tonnerre de Brest!
Je la flanquai dehors avec ses oripeaux,
C'était un peu leste.
Et quand elle eut fini de dévaler le perron
Et dit: "Je te déteste",
Elle se pendit au cou d'un troisième larron,
C'était un peu leste.
Et quand elle fut sortie de mon champ visuel,
Parfumés d'un zeste,
Je bus cinq à six coups, l'antidote usuel,
C'était un peu leste.
Et quand j'eus bien cuvé mon vin, je me suis dit,
Regrettant mon geste,
Que j'avais peut-être pas été des plus gentils,
C'était un peu leste.
Et quand elle m'entendit faire mon mea culpa,
La petite peste,
Me fit alors savoir qu'elle ne m'en voulait pas,
C'était un peu leste.
Et quand à l'avenir elle tombera veuve encore,
Son penchant funeste,
Qu'elle vienne frapper chez moi dès la levée du corps
Sans demander son reste!
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