Georges Brassens
LA MARCHE NUPTIALE



Mariage d'amour, mariage d'argent,
J'ai vu se marier toutes sortes de gens:
Des gens de basse source et des grands de la terre,
Des prétendus coiffeurs, des soi-disant notaires...

Quand même je vivrai jusqu'à la fin des temps,
Je garderais toujours le souvenir content
Du jour de pauvre noce où mon père et ma mère
S'allèrent épouser devant Monsieur le Maire.

C'est dans un char à boeufs, s'il faut parler bien franc,
Tiré par les amis, poussé par les parents,
Que les vieux amoureux firent leurs épousailles
Après long temps d'amour, long temps de fiançailles.

Cortège nuptial hors de l'ordre courant,
La foule nous couvait d'un oeil protubérant:
Nous étions contemplés par le monde futile
Qui n'avait jamais vu de noces de ce style.

Voici le vent qui souffle emportant, crève-coeur!
Le chapeau de mon père et les enfants de choeur...
Voilà la pluie qui tombe en pesant bien ses gouttes,
Comme pour empêcher la noce, coûte que coûte.

Je n'oublierai jamais la mariée en pleurs
Berçant comme une poupée son gros bouquet de fleurs...
Moi, pour la consoler, moi, de toute ma morgue,
Sur mon harmonica jouant les grandes orgues.

Tous les garçons d'honneur, montrant le poing aux nues,
Criaient: "Par Jupiter, la noce continue!"
Par les hommes décriée, par les dieux contrariés,
La noce continue et Vive la mariée!


À la page des textes de Georges Brassens
À la page des textes