Les invalides chez nous, le revers de leur médaille
C'est pas d'être hors d'état de suivre les filles, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir retourner au champ de bataille.
Le rameau d'olivier n'est pas notre symbole, non!
Ce que, par-dessus tout, nos aveugles déplorent,
C'est pas d'être hors d'état de se rincer l'oeil, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir lorgner le drapeau tricolore.
La ligne bleue des Vosges sera toujours notre horizon.
Et les sourds de chez nous, s'ils sont mélancoliques,
C'est pas d'être hors d'état d'ouïr les sirènes, cré de nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir entendre au défilé de la clique,
Les échos du tambour, de la trompette et du clairon.
Et les muets de chez nous, ce qui les met mal à l'aise
C'est pas d'être hors d'état de conter fleurette, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir reprendre en choeur la Marseillaise.
Les chansons martiales sont les seules que nous entonnons.
Ce qui de nos manchots aigrit le caractère,
C'est pas d'être hors d'état de pincer les fesses, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir faire le salut militaire.
Jamais un bras d'honneur ne sera notre geste, non!
Les estropiés de chez nous, ce qui les rend patraques,
C'est pas d'être hors d'état de courir la gueuse, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir participer à une attaque.
On rêve de Rosalie, la baïonnette, pas de Ninon.
Ce qui manque aux amputés de leurs bijoux de famille,
C'est pas d'être hors d'état d'aimer leur femme, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir sabrer les belles ennemies.
La colombe de la paix, on l'apprête aux petits oignons.
Quant à nos trépassés, s'ils ont tous l'âme en peine,
C'est pas d'être hors d'état de mourir d'amour, cré nom de nom,
Mais de ne plus pouvoir se faire occire à la prochaine.
Au monument aux morts, chacun rêve d'avoir son nom.