Jean-Roger Caussimon
L'AÏEUL Paroles et musique: Jean-Roger Caussimon
Ma bru m'a conduit par la manche
Jusqu'au petit banc qu'est sous le tilleul.
Y vont se promener, dame, c'est dimanche
Je reste là, je suis l'aïeul
Je suis né... Bah!... Y a si longtemps
Que ça me fatigue de faire la somme
De mes hivers ou de mes printemps
Enfin quoi, je suis un vieux bonhomme.
Mes prunelles sont de venues toutes grises
Depuis quelques mois, je peux plus rien voir
Mais je devine le temps! J'ai des crises,
Je suis tout rouillé quand va pleuvoir
Mais aujourd'hui, je sens qu'y fait clair
Et j'entends que c'est plein d'oiseaux, dans l'air
Et que dans les branches, c'est plein d'abeilles!
Pas de danger qu'une me pique!
Elles vont, comme ça, par cinq ou six
Et le soleil leur fait des diadèmes
C'était pareil, dans le temps jadis
Seulement, les filles, c'est plus les mêmes
On veut pas croire, dans sa jeunesse,
Qu'un beau jour, faudra céder le pas
On croit que ça durera sans cesse
Ou, mieux encore, on n'y pense pas
On se marie, on a des bambins,
On en est fier, on désespère
De les voir grandir, ces bambins
Et puis, un jour, va te faire lanlaire
Voilà que la fille prend du corsage
Et que le fils part pour le régiment.
On se dit "je suis dans la force de l'âge"
On se le redit, jusqu'au moment
Où on se trouve seul, deuil après deuil
Et la grande route qu'on a suivie
On la revoit toute, en un clin d'oeil,
Que c'est long, que c'est bref, la vie
Ma bru m'a conduit par la manche
Jusqu'au petit banc qu'est sous le tilleul.
Y vont se promener, dame, c'est dimanche
Je reste là, je suis l'aïeul.