Georges Chelon
ESQUISSE



Dessus mon chevalet,
La toile j'ai posé,
Et puis j'ai commencé,
Au crayon noir, à faire l'esquisse
D'un compagnon des champs,
D'un oiseau de beau temps,
Rien qu'un chardonneret.
Mais, bien que beau, il était triste.

Je me suis demandé
Qu'est-ce qui peut lui manquer?
C'est là que j'ai pensé
Que sans le ciel, il ne peut vivre.
Le bleu de mon pinceau
Fit autour de l'oiseau,
Un ciel où le soleil tant chavirait
Qu'il semblait ivre.
Il a un peu volé
Il a un peu chanté,
Mais bien qu'il fasse beau,
Je voyais bien qu'il était triste.

Il ne peut pas voler
Sans jamais s'arrêter,
Et s'il veut se poser
Il n'y a rien, ni pré, ni arbre.
J'aurais dû y penser
Avant de le créer.
Je me suis rattrapé,
J'ai fait des fleurs, j'ai fait des arbres
Je lui fis un ruisseau
Pour qu'il en boive l'eau.
C'est quand je fis un nid
Que je le vis encore plus triste.

C'est à la nuit tombée,
Quand je l'ai vu couché
Si petit, dans son nid,
Un nid si grand qu'il semblait vide,
Que j'ai pris mon pinceau,
Le plus fin, le plus beau,
Et que, tout contre lui,
J'ai dessiné, en faisant vite,
Afin qu'il n'ait plus froid,
Pour qu'il ne s'ennuie pas,
Une belle compagne.
Il était gai, mais j'étais triste.

Le tableau achevé,
J'ai pensé qu'il fallait,
Avant de me coucher,
Pour l'embellir y mettre un cadre.
Quand le jour s'est levé
Dessus mon chevalet,
Mes deux chardonnerets
Avaient quitté mon paysage,
Leur cage


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