Georges Chelon
PEUT-ÊTRE QUE PEUT-ÊTRE



Peut-être que peut-être
Vais-je me retrouver,
Un jour, assis là-haut
Sur un petit nuage,
Tout nu comme un sauvage,
Et grâce à quelques plumes
Qui m'auront posé là,
Sans trop savoir pourquoi.

Peut-être que peut-être
Rien qu'en courbant la tête,
Pourrai-je voir le monde,
Avec la terre bien ronde,
Et en me penchant mieux,
En ouvrant bien mes yeux,
Peut-être qu'au milieu
J'y verrai le bon Dieu.

Si je vois le bon Dieu,
Je vais lui dire deux mots.
Je vais lui dire qu'en bas
La vie est invivable,
Qu'il y a tant de voitures
Et si peu de garages
Que ça fait des injures
A chaque coin de rue,
Et que s'il ne veut pas
Que son paradis rose
S'embouteille bientôt
D'anges tout détraqués,
Il ferait bien, en bas,
D'aller faire quelque chose,
Voilà si je le vois
Ce que je lui dirai.

Peut-être que peut-être
Vais-je me retrouver,
Un jour, assis en bas
Sur un gros tas de cendres,
Habillé plus encore
Qu'en plein mois de décembre,
Mais sans plume, sans rien
Qu'une fourche à la main

Peut-être que peut-être
Il y aura des fêtes
Pour les naufrages en mer,
Les tremblements de terre.
Peut-être, alors, peut-être,
Qu'on y verra le maître,
Le dieu de cet enfer,
Je veux dire Lucifer.

Si je vois Lucifer
Je vais lui dire deux mots
Je vais lui dire qu'en bas
La vie est très vivable
Qu'il y a peu de voitures
Et beaucoup de garages,
Et que les gens sourient
A chaque coin de rue
Et que s'il ne veut pas
Que son enfer se vide,
Il devrait faire là-haut
Plus de publicité
Afin que chacun ait
Son auto immobile
Voilà si je le vois
Ce que je lui dirai

Mais je n'en suis pas là
Je suis dans ma voiture
Bloqué depuis deux heures
Sur les Champs-Elysées
Et que je foutrais bien
Le camp dans la nature,
Si Dieu ou si le diable
Voulait bien m'y guider.


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