Georges Chelon
QUAI DE GARE



Ce n'est pas le fait du hasard
Ni d'un concours de circonstances
Si j'attends, sur ce quai de gare,
Un train en provenance
D'une ville inconnue de moi
Une femme inconnue de moi.
Je n'ai que sa photo qui ne me quitte pas
Et quelques lettres d'elle.

Elle m'écrit: "J'ai passé trente ans,
Je n'ai jamais cherché vraiment
A prendre un mari, des amants.
Je ne suis pas très belle."
Moi j'ai toujours rêvé
De toutes les aimer,
Je n'ai jamais osé,
Et le temps a passé,
Je n'espère plus qu'en elle.

Nous allons commencer à revivre,
Je t'aime autant
Que si j'avais vingt ans.

Et tu préfères au cinéma
Le théâtre, l'opéra.
Tu as les mêmes goûts que moi,
Les mêmes habitudes:
Tu n'aimes pas rester
Longtemps inoccupée
Sous peine d'y penser
Il faut savoir meubler
Au mieux sa solitude.

Nous allons commencer à revivre,
Je t'aime autant
Que si j'avais vingt ans.

Nous allons nous voir de tout près,
Nous allons détailler nos traits,
Et face à notre vérité,
Il nous faut être sages.
C'est le dernier voilier
Qui peut nous embarquer.
Si tout n'est pas parfait,
Comme on l'imaginait,
Ce ne peut être grave.

Nous allons commencer à revivre.
On s'aime autant
Qu'à l'âge de vingt ans.


À la page des textes de Georges Chelon
À la page des textes