Georges Chelon
TRIBULATIONS SUICIDAIRES
Poussé par le désespoir
Et par des gens
Qui lui voulaient du bien
Il entreprit de mettre fin
A sa pâle existence
Comme il n'était pas de ceux
Qui, téméraires,
Emploient un revolver
Il donna à l'affaire
Une grande importance
Tout le jour, toute la nuit
Il pensait à son suicide
A l'art et à la manière
De s'offrir le vide
Se pendre pas question
Se noyer peut-être à l'occasion
Il cherchait la meilleure solution
Ne mangeant plus
Ne dormant plus
Dépérissant de jour en jour, le pauvre
Faisait pitié
Les gens disaient:
- "Il faut faire quelque chose
Redonner un peu de vie
A son projet
En tout état de cause
L'empêcher de mourir
Avant de se tuer"
Comme on soigne un condamné
Pour qu'il trépasse en pleine forme
Ils se mirent à ranimer
La flamme du bonhomme
Dans les boîtes à la mode
Ils le traînèrent
Jusqu'à ce qu'il s'accommode
Jusqu'à ce qu'il se mette à danser
Riche de ce coup de sang
Il se promit dès lors
Quoi qu'il arrive
De faire un mort-vivant
Toujours sur le qui-vive
Les années passées
Rien ne pouvait le distraire
De sa tâche
Tout fut envisagé
Du train à la bombe H
Ses copains
Sous la terre
Disaient: "Il exagère
Le voilà centenaire
Pour quelqu'un qui était pressé"
Un soir lassée d'attendre
Qu'il veuille bien la prendre
Elle se serra tout contre lui
Et c'est la mort dans l'âme
Qu'alors il rendit l'âme
Bêtement dans son lit
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