Romain Didier
VIE DE FEMME



T'as laissé sans regrets ton dernier jeux de billes
Et la cour de l'école et tes robes de petite fille.
Avec une envie folle d'aller brûler tes ailes,
T'a quitté à cloche pieds ta dernière marelle.

T'as appris de l'amour ce qu'on en voit dans les rêves
Et ce qu'en disent les garçons quand ils gercent vos lèvres.
T'as appris plus encore les hommes et leur silence
Et cette plaie qu'ils ouvrent avec indifférence.

T'as bradé ton enfance. T'as mis ton coeur en solde.
T'as joué au grand amour et tu le touches dans le désordre.
Quand tu veux tout quitter, t'as trop peur de te faire mal.
Elles sont lourdes à tourner, les pages de ce carnet de bal.

Quand tu pars à la mer, tu penses voyage de noces.
Quand t'arrives, y a rien d'autre que le bon air pour les gosses,
Alors tu pleures un peu tout au fond sans une larme.
Tu apprends à vieillir comme vieillissent les femmes.

Entre l'homme en photo sur la table de nuit
Et ce corps familier allongé sur le lit,
Il y a trente ans debout de ficelles abîmés par le temps
Pour maintenir au port un bateau qui fout le camp.

T'as pas vu le temps passer. Les enfants ont grandi.
Tu les vois moins souvent, juste pour garder les petits
Et tu vieillis sans haine, comme a vieilli ta mère,
Vaincue par le miroir sans avoir fait la guerre,

Vaincue par le miroir sans avoir fait la guerre.


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