LES RUBANS D'UNE ALSACIENNE


A dix-huit ans, je sortais de l'église
De mon hymen c'était le premier jour
Un gai soleil, une suave brise
Jetaient partout la lumière et l'amour
Toute au bonheur, la paupière mouillée
Près d'un époux au coeur loyal et franc
J'étais alors nouvelle mariée
Dans mes cheveux flottait le ruban blanc

Lune de miel, printemps de mariage
Chers souvenirs des beaux jours disparus
En feu follet, dans notre cher ménage
Tu resplendis, maintenant tu n'es plus
Il m'en souvient de ce temps éphémère
Où chaque soir en dansant, l'oeil en feu
Dans les salons, quand j'étais jeune mère
Dans mes cheveux flottait le ruban bleu

Mais quand, du Nord, un gros nuage sombre
Sur mon pays sembla s'appesantir
L'envahisseur sortant de sa pénombre
Osa rêver de nous anéantir
Bravant la voix des canons en furie
J'armais mon fils pour venger notre affront
Quand l'ennemi mutilait la prairie
Le ruban rouge a flotté sur mon front

J'ai tout perdu, fils, époux, pauvre veuve
Je n'ai plus rien à la place du coeur
A mes vieux jours, de malheur Dieu m'abreuve
Je dois ramper sous l'épée du vainqueur
Alsace, hélas! Quand viendra ta vengeance?
A mon pays, Seigneur, rendez l'espoir
La mort des miens, les malheurs de la France
Ont sur mon front, cloué le ruban noir


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