Léo Ferré
LA CHANSON DES AMANTS
Ça fait pas de politique
Ça fait que de la musique
Au fond des lits d'amour
Ça se prend par la taille
Ça plie comme la paille
Quand les grains sont trop lourds
Ça choisit des caresses
Des caresses qui blessent
Des caresses qui tuent
Ça se tue tous les quarts d'heure
C'est fou ce que les gens meurent
Quand ils se disent "tu"
Ça s'envoie des paroles
Aussitôt qui s'envolent
Comme les petits oiseaux
Quelquefois ça s'engueule
Ça se fout sur la gueule
Et ça s'aime de nouveau
Ça fait pas des affaires
Ça ne fait que des manières
Au fond des lits d'amour
Ça se prend ça se quitte
Ça se double et l'on est quitte
Après la nuit le jour
Ça choisit des toilettes
Des toilettes où l'on guette
Un coin de paradis
Quand ça part en voyage
Ça traîne à chaque page
Du feuilleton de la vie
Ça s'envoie des outrages
Et ça pleure et ça rage
Et ça se quitte "bons amis"
Quelquefois ça se regrette
Ôte donc voir ta voilette
Que je te parle du pays...
Ça part dans les étoiles
Pour un rien ça cavale
Dans des foutus endroits
Quand ça retombe ça rigole
Quant aux ailes ça se recolle
Et ça sert plusieurs fois
Ça choisit des ivresses
Des ivresses qui laissent
Un goût de revenez-y
Ça y revient et ça tarde
Au bout d'une cocarde
Accrochée à la nuit
Ça s'envoie des promesses
Des promesses qui cessent
Dès que tourne le vent
Tout juste si ça dure
Huit à seize mesures
La chanson des amants
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