S'il faut tirer par tous les bouts
Copains tirons les quatre cents coups
Sonner à la porte du Diable
Comme on sonnerait le pasteur
Être le treizième à sa table
Même si ça doit porter bonheur
Ouvrir le bottin des misères
À la page quatre-vingt-neuf
Dire à Monsieur de Robespierre
Faites-nous des habits tout neufs
S'il faut tirer par tous les bouts
Copains tirons les quatre cents coups
Téléphoner à la Grande Ourse
Pour y louer un appartement
Et comme il faudrait faire nos courses
Mettre des rails au firmament
Pousser des ailes à nos épaules
Et s'enrôler dans l'armée de l'air
Lâcher d'en haut des "Carmagnoles"
Et des paras sur le tonnerre
S'il faut tirer par tous les bouts
Copains tirons les quatre cents coups
Ramasser les habits qui traînent
Sous les potences de la loi
Chacun sait qu'avec ou sans laine
Un pendu ça meurt pas de froid
En tresser des cordes nouvelles
Pour encorder d'autres gibets
Ceux qui préfèrent la dentelle
Seront pendus sans être brodés
S'il faut tirer par tous les bouts
Copains tirons les quatre cents coups
Donner aux brebis des bergères
Aux chevaux des maquignons frais
Aux chiens les flics de la fourrière
Aux baleines les baleiniers
Aux oiseaux le permis de chasse
Aux enfants les parents mineurs
Aux souris le matou d'en face
Au matou les toits du bonheur
S'il faut tirer par tous les bouts
Copains tirons les quatre cents coups
Aller au cinéma Palace
Et s'engouffrer dedans l'écran
Prendre Bardot par la tignasse
Et la carrer dans nos divans
Faire l'amour à l'algébrique
Avec les inconnus du coin
Et d'un triangle nostalgique
Faire des petits républicains
S'il faut tirer par tous les bouts
Copains tirons les quatre cents coups
Unir en choeur tous les poètes
Tous ceux qui parlent avec des mots
Leur commander des chansonnettes
Qu'on déduira de leurs impôts
Mettre un bicorne à la romance
Et la mener à l'Institut
Avec des orgues et "que ça danse..."
La poésie est dans la rue
S'il faut tirer par tous les bouts
Amis tirons les quatre cents coups
Amis tirons les quatre cents coups