Thomas Fersen
LE BALAFRÉ


Il lui manquait quatre phalanges,
Ça lui donnait pas l'air d'un ange
Avec son oeil sous un bandeau
Et sa gueule en lame de couteau.

Sous son vêtement, doux Jésus!
Tout son corps était recousu
Et quand il remontait ses manches,
Les femmes devenaient toutes blanches.

Il menait une vie de cigale,
Il jouait de la scie musicale,
Il trouvait qu'en fermant les yeux,
Son instrument sonnait mieux,
Le balafré.

Sa mère croyait de bonne foi
Qu'il s'en allait couper du bois,
C'est pas qu'il fût je-m'en-foutiste,
Il avait une âme d'artiste,

Dans un cabaret de Pigalle,
Il jouait de la scie musicale,
Il trouvait qu'en fermant les yeux,
Son instrument sonnait mieux,
Le balafré.

Il aimait la vie de théâtre,
Il aimait les stucs et les plâtres,
Les filles habillées en lapin
Plutôt que l'odeur du sapin,

Et à la pause syndicale,
Leur jouait de la scie musicale,
Il trouvait qu'en fermant les yeux,
Son instrument sonnait mieux,
Le balafré.

On retrouva au parc Monceau
Une bourgeoise coupée en morceaux,
Le balafré passait par là,
Il avait sa scie sous son bras,

Tout le monde croyait de bonne foi
Qu'il s'en allait couper du bois,
C'est pas qu'il fût je-m'en-foutiste,
Il avait une âme d'artiste,

Il menait une vie de cigale,
Il jouait de la scie musicale,
Il trouvait qu'en fermant les yeux,
Son instrument sonnait mieux,
Le balafré.


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