Jean Guidoni
ALLÉE DES COQUELICOTS Paroles: Pierre Philippe, musique: Astor Piazzolla
J'ai rencontré souvent
Dans l'épaisseur des villes
Des types comme toi
Errants sous les néons
Des fugueurs de partout
D'Asnieres ou de Belleville
Qui cherchent dieu sait quoi
Et ne sont qu'un prénom
Ils marchent sur un fil
Familiers des frontières
Pour le moindre regard
Ils te donnent leurs yeux
Ils t'offrent leur sourire
Comme entrée en matière
Ce n'est pas le trottoir
Non mais c'est sa banlieue
Puis devant un lait-fraise
Ils parlent comme en songes
En trichant sur leur âge
Ils s'inventent un destin
Mais ils ne mentent pas
Leur vie est un mensonge
Et pour la traverser
Ils n'ont qu'un jeans déteint
Toi tu ne donnais jamais d'adresse
Une fille qui faisait le tapin
T'abritait ou bien un copain
Pareil à toi dans la détresse
Tu voulais vivre dans l'ivresse
Au jour le jour, la nuit vivant
Du feu sous tes semelles de vent
Et jamais tu n'avais d'adresse
Et quoi qu'on ait juré
De vivre en égoïste
On laisse au vagabond
Les clefs de sa maison
On se trouve imprudent
Mais trop tard les artistes
Emménagent leurs T-shirts.
Leurs jeans et leurs blousons
Ils font tourner leurs disques
Sur ton électrophone
Ils font vivre les meubles
Comme font les animaux
Dés qu'ils ont l'oeil ouvert
Ils sont au téléphone
Appelant des mères lointaines
Qu'ils rassurent d'un bon mot
Alors pendant qu'ils prennent
Des bains interminables
On cherche à mieux savoir
Qui sont ces va nus pieds
On se trouve bourgeois
On se trouve minable
Mais on fouille leur blousons
Et on lit leurs papiers
Toi tu avais bien trop d'adresses
Du manque d'amis tu te plains
Oui mais tes carnets en sont pleins
Comme ceux des mecs à la redresse
Il y a des stars du show-business
Des filles que tu n'aimas un jour
Des petits dealers de Beaubourg
Mêlés dans tes carnets d'adresses
Ils imprègnent ta vie
D'un parfum d'aventure
Et jouent avec la leur
Tout comme au cerf-volant
T'opposent à tes amis
Et bousillent ta voiture
Mais font du moindre geste
Un acte étincelant
Ils ont de grands projets
Auxquels ils ne croient guère
Ils sourient tristement
Quand on leur dit demain
Ils savent qu'ils se font
A eux mêmes la guerre
Et t'échappent en faisant
Un signe de la main
Puis rentrant au matin
Après une nuit dingue
Ils font couler l'eau
Pour faire croire qu'ils s'en nettoient
En plaisantant encore
Ils enfoncent la seringue
Et sans un mot d'adieu
Ils viennent mourir chez toi
Maintenant tu as une adresse
C'est dans l'allée des Coquelicots
Là ou les pleurs n'ont pas d'échos
Entre les cyprès qui se dressent
Que les doigts d'un ange caressent
Puisque les miens sont impuissants
Ton long corps qui va pourrissant
Couché à ta dernière adresse