Je me rappelle, il y a maintenant beaucoup d'années
Dans un recoin de ma mémoire, je ne puis oublier
Il y a des choses indélébiles qui mutilent, difficiles
Elles épousent ma peau comme un textile
Qui dessinent des ombres qui se faufilent
Ne laissant aucune chance à cette créature
De Dieu qui fut tentée par un reptile.
Souffrant en silence, elle me disait "Ainsi soit-il."
Elle était née dans un quartier
Où vivaient les immigrés
Famille nombreuse, difficile d'étudier
Pas d'école, la rue détenait le monopole des vols,
Je te prie de croire que sa vie n'était pas drôle.
Ainsi, peu de temps après,
A dix sept ans, elle a décidé de se marier.
Je demande le respect et pour ceux qui le veulent
Écoutez donc le récit de la vie d'une femme seule.
Seule, alors qu'elle voudrait aimer (Oh oh oh).
Elle fut rapidement enceinte et eut un garçon
Par manque d'argent elle perdit le second
Tel un dicton fatal, incontournable, le destin se déchaîne,
Elle accoucha du troisième.
Ils n'avaient pas beaucoup d'argent
Il était souvent absent
Elle nourrissait sa famille avec huit francs
Pourtant
Elle ne veut pas perdre son temps
Comblant son manque d'enseignement
Elle éduquait pendant qu'elle s'occupait
De la maison, de frotter, de laver
Ses fils qui ne comprenaient pas, la regardaient
Se souviennent désormais l'avoir toujours vu trimer.
Elle aspirait au bonheur
Malgré sa main sur son front pris de sueurs
Car elle rêvait un jour de partir
De quitter ce trop plein de déceptions, de mauvais souvenirs.
Mais, cinq ans auparavant ses décisions furent veules
Elle comprit qu'elle risquait de devenir une femme seule.
Je me souviens, cette fois, elle attendait son mari
Des heures entières à la fenêtre en vain ainsi
C'est l'histoire noire qu'il faut croire pour voir
Le courage et la sagesse rare d'une femme seule.
J'ai vu trop de larmes dans ses yeux verts
Résolus à accepter la fatalité
Puis d'écraser sous le poids de son importance
Elle disait seulement ne pas avoir eu de chance
Mais savait au fond d'elle même
Qu'on ne vient qu'une fois sur Terre
Et la malchance
Est une très mauvaise excuse.
L'enfer amer qu'elle vivait comparé à sa bonté
N'était pas mérité pour vous dire la vérité,
Si bien qu'un jour elle a décidé de s'en aller
Loin de Marseille pour pouvoir recommencer
Laissant derrière elle ceux qu'elle aimait le plus:
Ses deux fils. Et beaucoup de soucis
L'attendaient.
Malgré ce, désormais, elle est heureuse.
Elle a beaucoup d'amis et un mari. Sérieuse,
Cependant lucide, en reconnaissant
Que sa vie n'a vraiment commencé qu'à trente cinq ans.
Cela vous semble bête mais songez-y.
Gardez votre jeunesse. Où est le sens de la vie?
Si je vous parle de cette manière sincère,
Ouverte, c'est que cette femme seule... était ma mère.