10 h 37, les opérations commencent:
Ma compagnie est fin prête et les missiles s'élancent.
Sur la colline d'en face, les canons
Crachent le feu de l'enfer obéissant aux galons.
Combien d'amis sont partis? Combien d'amis restent,
Enfermés dans un asile opérationnel, sur le terrain, peste.
Soit avec leurs sourires qui me tuent tous les jours,
Les hélicos me rendent fou, les hommes courent
Afin de fuir la mort qui fauche les corps, elle coche.
La vie est poker, la fin est moche c'est une quinte flush.
Même dans mes pires cauchemars ce n'était pas si
Sordide un fratricide légitime impuni.
Ce n'est qu'un jeu macabre dans un champ de plaques de marbre
Où les plus fiers se retirent pour aller mourir sous un arbre.
Les horreurs du combat, en tout cas, m'ont vite appris
La raison pour laquelle ceux qui sont morts sourient.
Les obus pleuvent autour,
Coupant les arbres à chaque impact, claquent seulement pour
Mutiler. Est-ce bien utile et futile; et mon rôle
Dans la mêlée, la clameur quand mille balles me frôlent
Maintenant se courbe dans le front,
Nos officiers tuent de sang froid ceux qui de nous se cachent
Et courent à reculons. Connaître leurs visages? Ne t'en soucie pas,
C'est une simple histoire de soldat.
10 h 50, les combats font rage.
L'orée du bois est couleur pourpre et jonchée de cadavres.
Je n'hésite pas à tirer aveuglément sans savoir,
Prendre le train de la vie, pendant qu'il n'est pas encore trop tard.
Quand je pense à la nuit dernière, sans étoiles
Où les balles traçantes tissaient leurs toiles létales.
J'avais si peur de mourir, d'être blessé et pourrir.
L'angoisse me tétanise, j'ai trop de mal à me nourrir.
Ceux d'en face ont peut-être le même âge que moi.
Ils ont une mère qui sera inconsolable, s'ils n'en reviennent pas.
Et qui sait, ils auraient pu être mes amis,
Chaque fois que j'en vois un sans vie, je vomis.
C'est fou ce qu'on peut penser quand on est sûr d'y passer,
Chassé-croisé dans un fossé creusé, tout près à enterrer.
Regarde autour, l'aurore est l'invitée aujourd'hui,
Assistée dans son oeuvre noire de Dame Folie.
Connaître mon visage? Ne t'en soucie pas
C'est une simple histoire de soldat.
11 h 40, tout en haut de la colline
Je n'arrive pas à croire que l'ascension fût si facile.
La résistance adverse fut faible.
Notre colonel se vante d'avoir fondu comme un aigle
Sur l'objectif, qu'on nous ordonne d'inspecter,
De bien être attentif, afin de prendre des prisonniers.
Quand j'arrive sur les lieux, tout n'est que cendres et poussière.
Les gradés félicités sont tout fiers.
Les bâtisses ne présentent aucun aspect hostile.
Mon Dieu! On a massacré des civils!
Je cours au milieu des corps des familles décimées,
Des tas de gens paisibles que la guerre a tués.
Nos généraux, nos colonels n'en ont pas perdu le sourire,
A croire qu'ils le savaient, mon âme me dit tire
Dans le tas; tous ces meurtres pour une raison unique:
Prendre la colline, un endroit stratégique.
Le drame est intérieur, depuis ce jour-là, j'attends.
J'ai perdu mon humanité ce beau matin de printemps.
En vérité, je n'ai jamais su pourquoi je me bats.
C'est une simple histoire de soldat.