Juliette
LA BELLE ABBESSE

Paroles: Pierre Philippe, musique: Juliette Noureddine


Ben quoi vous n'avez donc jamais rien vu,
Ou c'est-il que vous me reluquez le corsage?
Allez, les manants, laissez-moi le passage
Et pour la bagatelle on est de la revue.
Je les sens vos regards plantés dans mon dos,
Mais moi de ce quartier je suis aborigène.
Ça me donne bien le droit d'avoir mon sans-gêne,
Ça me donne bien le droit le droit d'être un rien crado.
C'est vrai ce matin je me suis même pas lavée.
Je me suis juste remis un peu de bleu et de rose,
Juste pour maquiller quelques ecchymoses
Que la nuit dernière un salaud m'a gravées.
Je me suis pas brossé les chicots non plus.

Tiens pour faire comme si redonne-moi une bière.
Qu'est-ce que vous dites vous là-bas la rombière?
Reculez-vous si vous trouvez que je pue.

Parce qu'il faudrait pas croire
Que parce que vous me voyez,
Accoudée là et sans adresse
Avec tout mon foutoir
Débordant de mes paniers,
Que je ne suis rien qu'une drôlesse
Nageant dans sa bière et sa graisse,
Une simple épave des bas-quartiers.
Non messieurs vous devez saluer
L'impératrice,
L'archiduchesse,
La belle-en-cuisse,
La belle abbesse,
Celle qui passe comme une déesse,
Provocatrice,
Enchanteresse,
Et qui crache sur votre pitié.

Encore un petit dernier et puis salut.
Il faut que je reparte vers ces rues en pente
Que depuis toujours j'inspecte et j'arpente
Comme si j'y cherchais un trésor perdu.
Mais y a pas de trésor y a que de la chiennerie,
Des rentiers hargneux et des vilains mômes
Qui se foutent de ma gueule bouffie d'hématomes
Et des accrocs béants dans ma lingerie.
La nuit je suis divine au rouge des néons,
Fraîche comme les oeillets chourés au cimetière
Que je revends pour le prix d'une rasade de bière
Aux travestis de la rue Germain-Pilon.
La nuit c'est là qu'il y a de foutues clartés
Quand un jeune clodo me prends pour une pute,
Ferme les yeux, m'enlace, enfin me culbute
Et me laisse heureuse et jambes écartées.

Qui t'es toi d'abord qui se dit mon ami,
Un voyeur ou bien un de ces ethnologues
Qui voudrait me fourrer dans son catalogue.
Ben je vais peut-être te répondre: j'ai besoin d'un demi?
C'était y a longtemps... Et puis non je sais plus.
Je préfère la fermer, rester illusoire,
N'être qu'une légende des plus provisoires,
Un tag effacé dès qu'il aura plu,
Une honte qui passe un cauchemar vécu,
Une tête de guignol battant la breloque,
Un épouvantail que le vent déloque,
Un instant montrant son coeur et son cul.


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