Kent
DEVANT LE NÉANT

Kent Cokenstock


Et puis vient un jour
Tout en velours
Un jour on est si grand
Qu'on est vide en dedans
Tout raide et sans penchant
Une antenne sous le vent
Les images de là dedans
Brouillées de parasites
On voudrait s'écrier
Mais y a rien à crier
Les mots sont facétieux
Comme du papier maché
Il nous font une grosse tête
De carnaval en fête
La peine est une esthète
C'est là notre défaite
On voudrait l'exprimer
L'imprimer, l'opprimer
La douleur du néant
Avec des mots blindés
Oui mais seulement voilà
Devant le néant tout fout le camp

Alors vient un jour
La pensée comme un poids lourd
La remorque est vide
Le tracteur est sans guide
Elle en a une ride au front
Qui tient la bride
Et prépare l'homicide
Futile, à bout portant
On voudrait s'accrocher
Décrocher le turlut
Appeler l'âme soeur
Y sera nos saint lunes
Mais elle se paye de nos têtes
Elle nous parle de branlettes
La peine est suffragette
C'est là notre défaite
On voudrait la cacher
La cracher, l'arracher
Cette peine capitale
Et la voir se noyer
Oui mais seulement voilà
Devant le néant tout fout le camp

Enfin vient un jour
On descend de voiture
On pose le pied sur terre
Sur une route à sa pointure
Dans une autre atmosphère
Où le passé n'est plus présent
Ni l'avenir, ni le présent
On a le temps, on est tout neuf
Et on peut s'écrier
Mais on préfère se taire
C'est mieux de la fermer
Pour écouter la terre
Un jour sans le savoir
On change de mémoire
La peine va se faire voir
C'est là notre victoire
Alors on peut chanter
S'enchanter sans danger
Sans craindre la sentence
Pour délit d'insouciance
Oui mais seulement voilà
Devant le néant tout fout le camp

Oui mais maintenant voilà
On le sait et ça va


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