Xavier Lacouture
JACK LE LÉCHEUR



Ça vous plaît, les frissons?
Vous aimez vous faire peur?
Alors, voilà les bas fonds
De la trofe de l'horreur,
Encore bien plus affreux,
Bien plus insoutenable
Que tout ce qu'on connaît
De plus abominable,

Cent fois plus raffiné
Que le plus monstrueux,
Le nec plus ultra du crime crapuleux,
Vous appréciez, j'en suis sûr,
En connaisseur
La véritable histoire de
Jack...
Oh quelle horreur!

Quelque part le long des docks,
Au coeur de Londres,
Une bête guette, tapie
Au coeur de l'ombre.
A minuit tapante,
Elle frappera une fois de plus
Au moment ad hoc.

Spiritus sanctus.

Une princesse du trottoir,
Sortant d'un hôtel corgne,
Dans une rue un peu louche
A la lumière tamisée d'une lanterne
Sourde, seule dans ce coupe-gorge,
Marche dans le brouillard
Sans rien pouvoir distinguer.

Celui qui s'approche d'elle
N'est pas un flâneur.
Elle l'aperçoit trop tard.
Il est à sa hauteur.
C'est un dur, c'est un vrai,
C'est pas un enfant de coeur.

C'est Jack, Jack, Jack,
Quelle horreur!
C'est lui Jack, Jack, Jack,
Quelle horreur!
C'est Jack, Jack, Jack,
Quelle horreur!
Jack, Jack, Jack,
Quelle horreur!

Le gars, il la fixe dans les yeux,
Elle est paralysée,
Et, la couchant sur le sol,
Enlève ses petits souliers.
Elle se demande ce qu'il veut
Quand il prend son pied nu dans sa main.
Elle s'affole, ça y est, elle l'a reconnu:
C'est lui, l'affreux maniaque
Dont on parle dans le journal,
Ce Lucrèce Borgiaque,
Criminel pas banal
Qui défraie la chronique
Et les jeunes filles attardées,
Qui les fait mourir de rire
En leur léchant les pieds.

Il commence par lui sucer un orteil en douceur.
Il l'a sous le bout de la langue.
C'est à peine s'il l'effleure,
Il mordille sous la plante,
Remonte par les extérieurs.

C'est Jack, Jack, Jack le Lécheur,
Jack le Lécheur,
Jack, Jack, Jack le Lécheur.
C'est Jack, Jack, Jack le Lécheur,
Jack, Jack, Jack le Lécheur.

Alors, forcément, la fille,
Elle se tortille
Comme un vers
Pour faire cesser la chatouille.
Il a une poigne de fer,
Il lâche pas, la fripouille.
Elle essaye de résister,
A la limite de ses forces
Mais elle ne peut plus se retenir.
Elle va craquer, c'est atroce.
Elle se marre, elle en pleure.
Elle ruisselle, elle rigole.
Emporté par l'émoi,
Elle se barre en gondole,
Des crampes dans les joues,
Les côtes la font souffrir
Mais combien de temps encore
Le coeur va-t-il tenir?

Elle a perdu la notion de l'endroit et de l'heure.
Elle ne s'appartient plus. Déjà, elle est ailleurs,
Tendue de tout son être,
Vers un monde meilleur.

C'est Jack, Jack, Jack le Lécheur.
Jack, c'est le prénom.
Jack, Jack, Jack le Lécheur.
Le Lécheur, c'est le nom.
Jack, Jack, Jack le Lécheur.
C'est lui Jack le Lécheur.
Jack, Jack, Jack le Lécheur.

Dans la spirale infernale des rires qui l'entraînent,
Tourbillon délirant libéré de ses chaînes
Par une ultime explosion de rire qui la divise,
Elle abandonne son corps sur les bords de la Tamise.
On l'a retrouvée au matin allongée sur le pavé,
Son visage de cire éclairé d'un sourire,
L'opinion horrifiée donne une langue à couper,
Celle de Jack le Lécheur, le tueur de rire.

C'est Jack, Jack, Jack le Lécheur,
Jack le Lécheur,
Jack, Jack, Jack le Lécheur,
C'est bien lui.
Jack, Jack, Jack le Lécheur.
Au bonheur des dames.
Jack, Jack, Jack le Lécheur,
Il a commis son forfait.
Une fois,
Jack, le Lécheur,
Deux fois,
Jack, Jack, le Lécheur,
Trois fois,
Jack, Jack, Jack, le Lécheur,
Quatre fois,
Jack, Jack, Jack, Jack, le Lécheur,
Pas cinq fois,
Jack, Jack, Jack, Jack, Jack.


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