Gilbert Laffaille
NEIGE
Le jour se lève. La place est vide.
Le ciel est noir mais tout est blanc
Sur le Musée des Invalides
Et la Fontaine des Innocents.
Il neige.
Sur les trottoirs, les caniveaux,
Les tickets bleus des cinémas,
Le Normandie, l'Eldorado,
Les esquimaux, les papiers gras,
Il neige.
De la terrasse de l'Univers
Au Grand Hôtel des voyageurs,
Du Moulin Rouge au Sacré-Coeur,
Comme dans les bulles d'une boule de verre,
Il neige.
Le temps se fige, plus rien ne bouge,
Rue d'Aboukir, rue du Ranelagh,
Sur le pavé des banlieues rouges,
Les vieux sommiers des terrains vagues,
Il neige.
Sur les péniches au bord de l'eau,
Les tôles rouillées, les wagons noirs,
Sur le charbon des entrepôts,
Le sang gelé des abbatoirs,
Il neige.
Comme un prélude, un long silence,
De Notre-Dame aux Blancs-Manteaux,
Sur les buildings de la Défense,
Les fausses ruines du Parc Monceau,
Il neige.
Il neige mais Paris dort encore,
De l'Etoile au Jardin des Plantes,
Dans la Galerie des dinosaures,
À côté des cristaux qui chantent,
Il neige.
Sur le Musée Carnavalet,
L'aquarium du Trocadéro,
La Gare du Nord, le Grand Palais
Et les deux ours blancs du Zoo,
Il neige.
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